Perthes-lès-Hurlus, Champagne, octobre 1915

J

‘atteignis la tranchée que tenait encore la veille la garde impériale; oui, c’était horrible. Disons d’abord que cela ne ressemblait nullement à une tranchée; des bombardements quotidiens en avaient fait une espèce de crevasse volcanique, une déchirure du sol très profonde en certains endroits, très large ou resserrée en d’autres points, il y avait enfin des espaces où il n’y avait plus trace de tranchée. A l’intersection du boyau, un malheureux gisait à terre décapité par un obus, comme guillotiné; à côté un autre était affreusement mutilé. Je fis quelques pas à ma gauche. Je vis, halluciné, un amoncellement de cadavres, presque tous allemands, qu’on avait commencé d’enterrer dans la tranchée même, très élargie en cet endroit. A l’entrée du boyau se trouvait, appuyé contre le talus, semblant dormir, un jeune allemand; il n’avait aucune trace de blessure mais la mort l’avait effleuré de son aile, respectant le sourire qui flottait encore sur cette figure juvénile.
Louis Barthas, Les carnets de guerre de L. Barthas, tonnelier, 1914-1918

FRANÇOIS FLAMENG

AILLEURS DANS LE PORTFOLIO

LE THÈME DE LA MORT

AILLEURS DANS LE PORTFOLIO