plus de quatre vingts ans, Maurice Genevoix écrit ce petit ouvrage entièrement dédié à ses rencontres avec la mort dont les plus marquantes sont celles ayant eu lieu durant la guerre. C’est dans une approche directe avec le lecteur et en cohérence avec ses derniers livres que l’auteur veut œuvrer.
Pas de méditation ou de révélations ici, comme il l’écrit lui-même, mais un récit factuel qui l’amène jusqu’au seuil de l’inconnu. Et quel récit ! Le lecteur de Ceux de 14 connait ces heures d’extrêmes mises en danger où la mort semble avoir désigné Genevoix. Ces épisodes l’ont profondément marqué. Il faut lire dans ce petit ouvrage les descriptions qu’il en fait cinquante-cinq ans après les faits. L’obus de 210 qui en février 1915 tombe devant lui, Genevoix sait que c’est son obus : “Il est tombé sur le parados, devant moi. Je l’ai senti, en même temps, deux fois : un coup de massue sur la nuque, une fournaise rouge devant les yeux. (…). Le choc d’une balle, dont toute la force devient coup de poing, coupe le souffle et meurtrit durement. Dans l’éclatement d’un 210, si le corps y est pris tout entier, le vivant devient lui-même éclatement, explose lui-même, disperse ses éclats.(…). J’avais vu, à travers ce flamboiement rouge, une immense ombre horizontale qui avait passé en planant…”. Auparavant, il y a eu cette balle qui le touche en septembre 1914. Étrangement c’est cette fois là, plus encore que lorsque trois balles le rendront inapte à continuer la guerre en avril 1915, qu’il s’est vu partir. Le récit haletant qu’il en fait est saisissant. Les images, les sensations, les inquiétudes, la peur se mêlent et, au final, il réalise qu’un bouton de sa capote l’a sauvé : il n’est pas touché.
La mort de près, c’est aussi l’émotion d’un vieil homme retrouvant ces jeunes soldats morts ou blessés qui ne l’ont jamais quitté. Avant de clore sont récit, Genevoix se tourne encore une fois vers trois d’entre eux qui n’ont pas eu sa chance d’en réchapper. Il ramène vers la lueur leurs derniers instants et peut-être un peu pour lui aussi avoue : “A l’instant du dernier passage, le plus serein est celui qui s’en va”.
La mort de près de Maurice Genevoix est disponible en poche aux Editions de La Table Ronde, 2011 ; préface par Michel Bernard. L’édition originale se trouve d’occasion chez Plon, 1971.
L’illustration en tête de l’article est un dessin de Georges Bruyer, visible dans la galerie du site.