André Devambez, avant la guerre
— MODERNITÉ ET FANTAISIE

André Devambez est né en 1867 à Paris. Son père Edouard fait ses armes en tant que graveur puis fonde la maison d’édition Devambez qui, à la fin du XIXe siècle, devient un établissement de grand renom. La maison Devambez regroupe des activités de papeterie de luxe, d’impression d’ouvrages et d’estampes d’art, de gravure héraldique et de galerie d’exposition. André montre rapidement des talents pour le dessin en travaillant avec son père. Désireux d’être artiste, il se forme à l’École des Beaux-Arts à Paris puis auprès de Benjamin Constant à l’Académie Julian fondée quelques années plus tôt.

Devambez est attiré par des sujets modernes caractéristiques des engouements de son époque tels l’aviation, le métro, le cinématographe, les grands théâtres parisiens mais il s’intéresse aussi à l’histoire et aux univers oniriques. Il compose de nombreuses œuvres en choisissant des perspectives plongeantes où, parfois, les personnages apparaissent en multitudes disséminées dans ses décors. On peut y deviner l’influence de la bande dessinée, de la photographie aérienne et du cinéma. Un des exemples les plus célèbres de ses points de vue originaux est La Charge conservée au musée d’Orsay.  Devambez séjourne quatre ans à la Villa Médicis après son obtention du Prix de Rome en 1890. Sa renommée grandissante lui donne accès à des commandes officielles. En 1911, il est fait chevalier de la Légion d’Honneur. Il participe comme illustrateur à des titres de presse comme Le Rire ou l’Illustration et réalise de nombreux dessins pour illustrer, souvent avec beaucoup de fantaisie, des nouvelles et des livres pour enfants.

André Devambez, la guerre
— ENGAGÉ VOLONTAIRE ET BLESSÉ

André Devambez a 47 ans lors de la mobilisation en 1914. Il travaille pour différentes revues dont l’Illustration pour laquelle il part sur le front de Picardie en décembre, accompagné de Georges Scott. En janvier, il s’engage en tant que volontaire et rejoint une section de camouflage. Initiées par l’armée française, ces sections utilisèrent un grand nombre d’artistes et d’artisans pour tenter de rendre invisibles les hommes, les armes, les installations et les équipements. On comptait sur les différents théâtres d’opérations à la fin de la guerre plus de 3 000 camoufleurs. Ces soldats n’étaient pas des « embusqués ». Leur activité d’observation du terrain, de montage et d’installation de leurs dispositifs n’était pas sans risques même si elle cherchait à être la plus discrète possible. André Devambez est ainsi gravement blessé par de multiples éclats d’obus en juin 1915. Il est rapatrié à l’arrière et soigné près d’un an à l’Hôpital de la Pitié à Paris. Ses blessures l’affecteront beaucoup et lui laisseront des séquelles importantes l’empêchant, par exemple, de rester en station debout trop longtemps.
En 1917, on lui propose de participer à une des missions officielles du Ministère de l’Armée. Souhaitant travailler, il accepte et réitérera cette expérience une seconde fois au cours de la même année. Il en ramène une vingtaine d’œuvres peintes exposées avec celles de ses collègues missionnés au Palais du Luxembourg. Certaines d’entre elles entrent directement dans les collections du Musée de l’Armée (comme Verdun, que l’on peut voir dans la galerie Verdun en dessins). Entre 1915 et 1917, il réalise une série de dessins portant sur la guerre intitulée Douze eaux-fortes. En février 1918, il expose une partie de ses œuvres dont de nombreux dessins de guerre.

André Devambez, après la guerre
— SOUVENIRS ET RECONNAISSANCE

Après la fin du conflit, la guerre reste pour André Devambez une source d’inspiration. Ses blessures le contraignent à privilégier les petits formats de tableau mais recouvrant ses capacités au cours des années 20, il réalise un triptyque monumental intitulé La Pensée aux absents dans lequel il met en avant la douleur des femmes et la solitude des combattants. C’est aussi à partir de 1920 qu’il participe au salon de l’Araignée, initié par Gus Bofa qui souhaite réunir le travail des graveurs et illustrateurs majeurs de l’époque (les expositions ont lieu à la galerie Devambez). Il continue à réaliser de nombreux dessins pour des éditions d’art et à participer à des revues en tant qu’illustrateur. Il enseigne à l’École des Beaux-Arts et devient membre de l’Institut en 1929. En 1934, le nouveau Ministère de l’Air le nomme peintre officiel. Dans les années qui suivent, il devient membre du jury de la Société des Artistes Français. En 1942, le prix Paul Chabas lui est décerné à l’unanimité. Il décède deux ans plus tard des suites d’un cancer. Il a eu deux enfants. Son fils Pierre a été conservateur en chef du Département des antiquités grecques et romaines au musée du Louvre de 1937 à 1973.

BIBLIOGRAPHIE
  • André Devambez, Présentation d’une donation, catalogue dirigé par Michel Ménégoz, musée départemental de l’Oise, 1988
  • Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Emmanuel Bénézit, volume 4, Gründ, 1999
  • Les missions de peintres du Musée de l’Armée pendant la Première Guerre mondiale, CERMA 1, Musée de l’Armée, 2000
  • Les missions d’artistes aux armées en 1917, CERMA 1, Musée de l’Armée, 2000
  • Les collections de l’Historial de la Grande Guerre, Collectif, Éd. Somogy, 2008
  • Vu du Front, Représenter le guerre, Collectif, Éd. Somogy, 2014
SITOGRAPHIE

Douze eaux-fortes

DESSINS DE GUERRE PAR ANDRÉ DEVAMBEZ
Cette série de dessins a été réalisée durant le conflit. Il est facile d’imaginer que l’artiste a travaillé à ses dessins dans le calme de sa section au repos ou lors de sa longue convalescence. On peut établir un lien évident entre des sujets traités et des scènes que l’artiste aurait pu observer sur le front (Un schrapnell, Gare à la marmite, La pluie). Mais, par ailleurs, pour d’autres dessins, certains traitements comme la vue plongeante des Trous d’obus ou du Froid, conduisent à penser que Devambez a mis en avant son savoir-faire et son sens de la composition déjà solides au détriment d’une recherche plus simple de la vérité. D’autres sujets encore étonnent et semblent s’éloigner de tout aspect documentaire pour se rapprocher de thèmes de propagande : des civils pris en otages, une espionne aguicheuse, un fou dansant au milieu des décombres d’une ville. L’ensemble de ces douze dessins forme une vision hétéroclite de la guerre.

On peut observer que quatre dessins présentent des populations civiles victimisées. Population en danger imminent comme dans Le bouclier (et peut-être Les otages et L’incendie) ou victimes de pénurie (Le charbon).  Devambez utilise le point de vue en plongée qu’il affectionne tant dans Les réserves en installant dans ses décors une foule de soldats occupés à des activités différentes. Ce dessin semble proche de la bande dessinée de l’époque mais aussi de celle d’aujourd’hui tant ses personnages peuvent évoquer le travail de Joe Sacco par exemple. Ces perspectives si particulières sont utilisées pour réaliser les œuvres montrant des tranchées ou des trous d’obus (Les trous d’obus, Le froid…). Ces derniers, d’ailleurs, reviennent très souvent dans l’œuvre de l’artiste. Un des personnages les plus marquants de cette série est la figure du fou, apparaissant dans le dessin du même nom, et qui semble danser au milieu des décombres d’une ville dévastée. Thème rarissime que la folie liée à la guerre pour un artiste reconnu et publié. Le personnage ne semble d’ailleurs pas être un soldat en uniforme mais un civil dérouté par la perte de sa maison et dont les vêtements semblent déchiquetés.

ANDRÉ DEVAMBEZ DANS LE DOMAINE PUBLIC

L’œuvre d’André Devambez est entrée dans le domaine public en 2015. Les versions numériques proposées sur le site sont issues de prises de vues photographiques et d’éditions numériques réalisées par nos soins. Nous avons cherché à rester fidèle à l’œuvre originale et à mettre en valeur ces images. Sur les pages consacrées à chacune de ces eaux-fortes, il est possible de télécharger une version en haute définition. La réutilisation des images est donc libre mais une indication de source pour marquer son sens de la courtoisie 2.0 (?) est aussi bienvenue.

CARACTÉRISTIQUES PHYSIQUES

Douze eaux-fortes. 1915-1917. Un album cartonné toilé, 390 x 510, contenant une suite complète de 12 planches 370 x 447 sous chemise rempliée, illustrée d’une gravure numérotée et signée à la mine de plomb. Eau-forte et aquatinte. Épreuves sur vélin fort, numérotées et signées à la mine de plomb. Tirage à 150 épreuves. Il existe, par ailleurs, des tirages de série d’épreuves d’état et d’épreuves d’artiste.