la fin de l’année 1916, Jean-Alphonse Stival , mobilisé depuis deux ans, présente quelques-unes de ses aquarelles de guerre au Salon de la IIIe Armée. Âgé de 36 ans, il est déjà un peintre confirmé1. Cette exposition décrite comme devant réunir des “travaux de soldats artistes2” de tous types et de toutes origines annonce la grande exposition parisienne du Salon des Armées qui se tient au Jeu de Paume quelques mois plus tard et à laquelle participe également l’artiste.
Les dessins exposés de Stival3 sont majoritairement des portraits en pied de poilus s’inspirant d’une certaine tradition militaire, celle des “types” de soldat, sans décor, ni mise en scène. Cette représentation classique, à l’origine très soucieuse de la mise en valeur des uniformes et participant à l’héroïsation du combattant, est définitivement en voie de disparition, depuis le début du conflit. Face à la volonté des artistes de témoigner de cette guerre nouvelle, la réalité de la vie quotidienne des poilus va s’imposer auprès d’artistes sensibles et principalement chez les artistes combattants. C’est bien le cas ici avec Stival : les modèles sont “au naturel” sans apparat, dans toute leur simplicité. Qu’il s’agisse de jeunes gens ou de poilus plus âgés, ce qui semble transparaître dans la représentation que donne l’artiste, c’est l’empathie profonde éprouvée pour ces hommes du front parfois solides et bien portants, parfois blessés. En plus de ces portraits, il joint à sa sélection de dessins exposés, une scène de groupe de soldats comme il en a réalisée souvent.
Engagé volontaire, à 34 ans, dès la fin août 1914, Jean-Alphonse Stival est affecté au 1er régiment du génie à un poste de brancardier. Quelques-uns de ses dessins datés de 1915 portent l’indication de sa présence dans des hôpitaux militaires. Dans certaines scènes de groupe, il est témoin de la lassitude des hommes, notamment les blessés en centre de triage, qui attendent d’en savoir plus sur leur sort. Dans d’autres scènes les hommes apparaissent souvent dans l’affairement et l’ensemble forme un récit visuel où les soldats discutent, lisent, jouent ou se reposent. Sur d’autres dessins encore, l’artiste a représenté ses camarades brancardiers ou des moments typiques de la vie au cantonnement.
La plupart des dessins sont rehaussés à l’aquarelle. Ils comportent pour certains des indications qui permettent d’éclairer le parcours du peintre au front.
Les dessins de Jean-Alphonse Stival ↓
En 1917, Jean-Alphonse Stival rejoint la section de Camouflage qui se trouve alors être rattachée à son régiment4. Il est affecté à des travaux sur le front comme chef d’équipe. Certains des dessins de cette période sont localisés à Noyon où se trouvait un des ateliers de la IIIe Armée dirigé par André Dunoyer de Segonzac5 dont il devient un ami proche. Son nom apparaît, par ailleurs, dans la liste des artistes qui formèrent une des équipes de soutien à l’armée italienne durant l’hiver 1917-19186. Décoré de la croix de guerre, Jean-Alphonse Stival sera démobilisé en 1919.
Ci-contre le peintre dessiné par son lieutenant et ami André Dunoyer de Segonzac à Noyon en 1917.
Nous remercions M. Jean-Pierre Stival pour le prêt des copies numériques des extraits de carnets de croquis de son père.
1. Les éléments biographiques sont issus d’un mémoire rédigé par Jean-Pierre Stival, le fils de l’artiste, que l’on peut lire ou télécharger sur son site jastival.fr. Il convient de se reporter à ce travail pour tout renseignement complémentaire.
2. Une présentation de ce salon, qui s’est tenu dans le Palais de Compiègne lors des derniers mois de 1916, est disponible sous la forme d’un panneau d’exposition du Canopé et de l’ONACVG de l’Oise à cette adresse.
3. Les archives de la BDIC (La Contemporaine) conservent des prises de vue de ces deux salons : on peut y voir le panneau des aquarelles de Stival exposé au Salon des Armées à Paris (document VAL 363/042) et le même cadre réunissant ses œuvres dans un des salons d’exposition à Compiègne (VAL 249/124).
4. A sa création la section de Camouflage de l’armée dépendait du 13e régiment d’artillerie. Elle fut rattachée au 1er régiment de génie en octobre 1916.
5. On peut lire en ligne sur le site du Figaro un article d’André Dunoyer de Segonzac qui s’exprime sur son expérience de camoufleur.
6. L’article en ligne le plus complet sur l’histoire de la section de Camouflage se trouve sur le site de la Mission centenaire à cette adresse. Il est dû à Cécile Coutin, auteur de Tromper l’ennemi. L’invention du camouflage moderne en 1914-1918, éd. Pierre de Taillac, 2012, rééd. 2015.