SOLDATS BLESSÉS EN HÔPITAUX
VALENTINE RAU ET AUTRES DESSINATRICES…


TIRAILLEURS SENEGALAIS
ALBUM
Il y a deux ans nous consacrions notre thème annuel aux soldats des colonies. A cette occasion, nous présentions de nombreux portraits ou scènes représentant des tirailleurs sénégalais. Pour accompagner l’actualité autour de la sortie du film “Tirailleurs” de Mathieu Vadepied, nous proposons avec cet album dédié de parcourir des images qui permettent de voir comment les artistes de l’époque percevaient ces soldats combattant loin de chez eux.
Ces dessins s’inscrivent dans une veine documentaire éloignée de la représentation caricaturale des soldats des colonies que l’on rencontre à l’époque, par exemple, dans la presse humoristique et satirique. Certains de ces dessins sont parus dans l’Illustration et La guerre documentée, revues traitant avec sérieux de l’actualité. Cela n’exclut pas, parfois, une part de stéréotypes dans les choix de représentation.
Le dessin de Job, par exemple, intitulé “La cigarette” est paru dans la revue l’Art et les artistes et participe à une imagerie très répandue qui réunit soldat noir et “ange blanc” : blessé, c’est auprès d’une infirmière dévouée que le tirailleur trouve le réconfort que lui offre la nation bienveillante…On peut noter que les portraits dus à Jonas ou Charlot révèlent peu de différence de traitement (dans le choix des attitudes par exemple) par rapport à des poilus non coloniaux. Certains artistes comme Julien Le Blanc et Lucien Jonas inscrivent scrupuleusement l’identité de leurs modèles pour marquer leur individualité.
La seule image qui révèle la violence de la guerre est celle du tirailleur mort dans les barbelés. Ce motif du corps “séchant” dans les barbelés n’est pas spécifique à la représentation du soldat des colonies et a été souvent dessiné. Il illustre la proximité courante des soldats avec les cadavres.
« Le jeune Siya Ba, Tirailleur Sénégalais »
Jean-Félix Bouchor
(…)
Écoutez-moi, Tirailleurs Sénégalais, dans la solitude de la terre noire et de la mort
Dans votre solitude sans yeux sans oreilles, plus que dans ma peau sombre au fond de la Province
Sans même la chaleur de vos camarades couchés tout contre vous, comme jadis dans la tranchée, jadis dans les palabres du village
Écoutez-moi, Tirailleurs à la peau noire, bien que sans oreilles et sans yeux dans votre triple enceinte de nuit.
Nous n’avons pas loué de pleureuses, pas même les larmes de vos femmes anciennes
— Elles ne se rappellent que vos grands coups de colère, préférant l’ardeur des vivants.
Les plaintes des pleureuses trop claires
Trop vite asséchées les joues de vos femmes, comme en saison sèche les torrents du Fouta
Les larmes les plus chaudes trop claires et trop vite bues au coin des lèvres oublieuses.
Nous vous apportons, écoutez-nous, nous qui épelions vos noms dans les mois que vous mouriez
Nous, dans ces jours de peur sans mémoire, vous apportons l’amitié de vos camarades d’âge.
Ah ! puissé-je un jour d’une voix couleur de braise, puissé-je chanter
L’amitié des camarades fervente comme des entrailles et délicate, forte comme des tendons.
Écoutez-nous, morts étendus dans l’eau au profond des plaines du Nord et de l’Est.
Recevez ce sol rouge, sous le soleil d’été ce sol rougi du sang des blanches hosties
Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs Sénégalais
MORTS POUR LA RÉPUBLIQUE !
Léopold Sédar Senghor, Hosties noires, Seuil, Paris, 1948
Illustration Tirailleur Koya Koyé Baoulé, 1917, 80è T.S, Lucien Jonas, droits réservés, coll. J.P. Fontanon
ANDRE DEVAMBEZ
DOUZE EAUX-FORTES
L’ŒUVRE DE GUERRE
SOURCE COLL. PARTICULIÈRE
Ce fut un grand plaisir que celui procuré par la visite de l’exposition “André Devambez, vertiges de l’imagination” qui se tint jusqu’au 31 décembre 2022 au Petit Palais à Paris après un passage au musée des Beaux-Arts de Rennes au printemps.
Le travail de Devambez méritait bien une exposition aussi complète permettant de découvrir la variété de son œuvre due à de très nombreuses sources d’inspiration. Devambez n’est pas un peintre avant-gardiste. Il fait partie de ces artistes du XXe siècle, renommés de leur vivant, de formation académique, soucieux d’un art “bien fait” puis oubliés après leur mort lorsque l’époque était en quête de modernité. La modernité, Devambez, ne va pas la chercher dans son style mais il va côtoyer celle de son époque. L’aviation, le métro, la foule sur les boulevards parisiens, les théâtres vont faire partie de ses thèmes favoris. Il en rend compte avec des compositions aux points de vue parfois audacieux. La guerre l’a profondément marqué. Comme acteur tout d’abord (il fût gravement blessé alors qu’il était affecté à une des sections de camouflage de l’armée) puis en tant que témoin en 1914 puis lors des missions officielles du Ministère aux armées qu’il accomplît en 1917. L’exposition montrait quatre des douze eau-fortes qu’il réalisa durant le conflit, nous vous présentons ici l’intégralité de la série.
LES ESTAMPES DU SITE MEMOIRE DES HOMMES
550 ESTAMPES DE GUERRE
Le site Mémoire des Hommes, le portail culturel du ministère des armées, présente depuis fin 2020 un ensemble de 550 estampes provenant du fonds du musée de l’Armée. La numérisation a été réalisée avec soin et les œuvres peuvent être consultées en haute résolution en utilisant la visionneuse du site.
A partir d’un tableau de tous les artistes ordonnés suivant le nombre de leurs œuvres dans ce fonds numérique, cet article s’arrête sur les ensembles d’estampes qui nous ont semblé être les plus notables.
De la série Le soldat français pendant la guerre de Georges Scott, artiste représentatif d’un art graphique militaire traditionnel — n’excluant pas l’émotion — aux dessins dénonciateurs de Jean Veber, c’est un parcours marqué par des styles, des inspirations et des techniques bien différents qui est proposé.
Quelle chance de pouvoir découvrir les rares lithographies de Rémi Peignot tué à 27 ans en 1915 comme de contempler les eaux-fortes exceptionnelles d’Auguste Brouet ou de Claudius Denis en observant, grâce à la haute résolution, les nombreux détails révélateurs du savoir faire de ces graveurs.
PORTFOLIO
TOUS LES DESSINS
Les œuvres rassemblées sur ce site sont des dessins réalisés par des artistes contemporains de la Grande Guerre qui furent pour certains également combattants.
Ces dessins sont accompagnés de textes de journaux de tranchées, de témoignages écrits d’anciens soldats ou d’extraits d’oeuvres littéraires traitant du conflit.
Le site présente environ 80 dessins.
Ils ont été regroupés en galeries thématiques illustrant la vie des soldats durant la guerre : la tranchée, le répit, le feu, la route, la mort … continuer à lire l’intro
DES RESSOURCES
INVENTAIRE
Depuis 2017, la Grande Guerre en dessins propose sur une page dédiée un inventaire des ressources en ligne permettant d’identifier et de visualiser sur internet un grand nombre d’œuvres graphiques de la période 1914-1918.
Cet inventaire évolue fréquemment par ajouts de nouveaux sites mais nécessite également une veille de l’existant. En effet, il n’est pas rare que certaines pages soient renommées cassant ainsi les liens présentés, que certaines bibliothèques numériques mettent leurs fonds en commun créant un nouveau site ou que certaines images, voire certains sites disparaissent. Une trace de ces derniers est conservée pour information dans cette page.

« Nid de blessés », 1917
Source gallica.bnf.fr / BnF
L’AUTRE GUERRE DE STENLEIN
EAUX-FORTES DE 1917
En 1917, Steinlen qui produit depuis le début du conflit de nombreux dessins, diffusés notamment en lithographies à grand tirage, prépare une exposition consacrée à ses dessins de guerre à la galerie La Boëtie à Paris. A côté d’une production d’affiches, de peintures et de dessins mettant souvent en scène des personnages démunis, militaires ou civils, Steinlen présente un ensemble d’eaux-fortes représentant des soldats sur le champ de bataille. Dans ces scènes souvent poignantes, les combattants semblent effarés, exténués, abasourdis par la brutalité de la guerre. La multitude de personnages blessés et souffrants crée un profond malaise. Les soldats ne sont pas représentés dans l’action de la guerre, les armes à la main, mais après la violence ; lorsque le secours est attendu et que la détresse et la souffrance l’emportent.
L’utilisation de la gravure à l’eau-forte et de l’aquatinte permet un rendu crépusculaire où un réseau abrupt de lignes dessinent les différents degrés de l’horreur. A l’époque de la genèse de ces dessins, Steinlen n’est pas encore parti en mission aux armées. Il est peu probable que l’artiste compose là des scènes observées. L’époque est à une description plus réaliste de la guerre comme celle présentée dans le roman Le feu de Barbusse exactement contemporain…