Georges Barrière, artiste, combattant et camoufleur

— UN PEINTRE PRÉCOCE

Georges Barrière est né en 1881 à Chablis. Tout jeune homme, il vient à Paris et entre à l’École Nationale des Beaux-Arts. Dès 1903 il expose au nouveau Salon d’Automne.

Barrière suit les cours de peinture dans l’atelier de Léon Bonnat et se forme, par ailleurs, très tôt à la lithographie avec Alexandre Leleu1.

En 1907 (à 26 ans), il montre au Salon des Indépendants Effets de neige et Temps d’orage. Sa peinture de paysage s’affirme dans les années qui suivent et est appréciée des critiques. Il réalise aussi des portraits et continue d’exposer notamment au Salon des Artistes Français en 1909.

— LA GUERRE

Barrière effectue son service obligatoire, après plusieurs ajournements, en 1904-1905. En 1912, il est réformé pour « tuberculose pulmonaire » 2.

Quand survient la guerre, il s’engage comme volontaire au Mans et est affecté au 117ème régiment d’infanterie.

C’est comme simple soldat que le peintre rejoint son unité fin août et participe à la bataille de la Marne. Le régiment est en première ligne lors de nombreux combats dont certains très meurtriers comme au Quesnoy-en-Santerre, au Carnoy et à Montauban-de-Picardie dans la Somme.

En 1915, le régiment est en Champagne à Perthes puis à Souain. Fin mars, le 117eme est relevé et mis à l’entraînement pour  se préparer à la grande offensive de septembre. Au cours de la bataille de Champagne, qui eu lieu en septembre et octobre 1915, le 117ème se heurte lors d’un assaut meurtrier, aux lignes ennemies mais tient sa position malgré des combats difficiles.

Fin 1915, Barrière est caporal : il encadre une dizaine d’hommes dont il partage la vie  et avec lesquels il combat.

Début 1916, le 117ème prend position à La main de Massiges près de Suippes alors que l’hiver est difficile et que les boues rendent pénibles travaux et coups de main.

Cette période en première ligne s’achève pour Barrière en mai 1916 lorsqu’il est affecté en section de camouflage.

La section de camouflage a été créée en août 1915. Elle emploie de nombreux artistes dont le travail consiste à concevoir, fabriquer et mettre en place des dispositifs qui cherchent à rendre invisibles les hommes, les matériels et les infrastructures aux yeux des ennemis.

Barrière travaille peut-être au petit atelier de Berques, dans le nord, car il réalise, en 1917, plusieurs aquarelles ayant pour motif des paysages de la région3. A Berques, il y avait un petit atelier mais « particulièrement actif en 1917-1918 », précise Cécile Coutin dans son ouvrage Tromper l’ennemi4, « qui était dirigé par le peintre Pierre-Paul Montagnac assisté de Raoul Lespagne et du sculpteur Henri Bouchard. »

Georges Barrière a dessiné pendant toute la guerre. Il portait sur lui un carnet de route5 qui lui a servi a réaliser de nombreuses études et croquis et certains dessins présentés sur cette page. En 1917, il répond au Bulletin des Armées qui souhaite organiser un Salon des Armées au Jeu de Paume à Paris. Ce salon se donne pour mission d’exposer « les œuvres dues à des artistes mobilisés dans la zone des armées depuis le début de la campagne et dont l’exécution sur le front est attestée par des certificats signés par des commandants d’unités ». Parmi les œuvres présentées, celles de Barrière sont remarquées avec celles de Renefer, Bernard Naudin, Edmond Lessellier ou Maurice Taquoy.

Georges Barrière est démobilisé en 1918.

En 1919, il présente au Salon National des Beaux-Arts ses dessins de guerre et un ensemble d’eaux-fortes intitulé Au front6. La même année, il participe à l’exposition d’œuvres d’artistes combattants que donne le Salon d’Automne.

— APRÈS LA GUERRE

Dans les années 20, Barrière se fait remarquer avec sa peinture de paysages (Paysage corse, Corte et le Tavignano, Matin à Bonifacio) et expose régulièrement. Il participe à la rétrospective des trente ans du Salon des Indépendants de 1926. Cette même année, il devient membre associé de la Société Nationale des Beaux-Arts puis sociétaire en 1928.

Sa vie prend un nouveau tournant en 1934 lorsqu’il reçoit le Prix Indochine pour un portrait du sculpteur suisse Auguste Heng. Suite à ce prix, il part s’installer à Hanoï pour enseigner à l’École des Beaux-Arts d’Indochine créée en 1925. Il ne repartira jamais du Vietnam réalisant sur place de nombreux paysages lumineux et des portraits des habitants. Ses toiles de cette période sont aujourd’hui particulièrement recherchées.

Il décède sur place en 1944.

NOTES

1. Notice Georges Barrière in Dictionnaire des graveurs, illustrateurs et affichistes (1673-1950) (Éd. Échelle de Jacob, Dijon, 2001). D’autres sources non vérifiées évoquent une formation à la taille-douce dans les ateliers de la maison Devambez où il aurait pu connaître André Devambez qui sera mobilisé comme lui en section de camouflage lors de la guerre.

2. Archives départementales de l’Yonne / R 645 * N° 996-1498 1901 / Matr. 1077

3. Les deux aquarelles Hondschoote  et Le Beffroi de Berques datées de 1917 sont conservées au musée de Brooklyn.

4. Tromper l’ennemi, l’invention du camouflage moderne en 1914-1918, Cécile Coutin, E. Pierre de Taillac, 2015 pour la 2è édition.

5. Reproductions de dessins du carnet de route de Georges Barrière in La Grande Guerre vécue, racontée, illustrée par les combattants, Quillet, 1922

6. L’exemplaire en notre possession pourtant bien complet ne comprend aucun nom d’éditeur, de graveur, ni aucune date et justification de tirage. Le Dictionnaire des graveurs, illustrateurs et affichistes (voir note 1) cite Hénault comme éditeur.

Dessins du carnet de route de Georges Barrière

Champagne – Octobre 1915

Sous les marmites au poste de secours – Perthes-les-Hurlus – Février 1915

Le poilu de 1914 (Retour de Carency)

Le cafard

Ceux du ravitaillement 1916

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