LE DESSIN DE PRÈS
FRATERNITÉ
JEAN DROIT, vers 1916
En 1914, Jean Droit est déjà un illustrateur apprécié pour ses dessins aux lignes pures et aux coloris soignés. Fils d’un industriel français établi en Belgique, il y passe sa jeunesse et s’investit dans les premiers mouvements scouts du pays auxquels il reste attaché toute sa vie. A la déclaration de guerre, il a 30 ans et est mobilisé au 226è régiment d’infanterie comme caporal puis sergent. Durant le conflit, en plus de son devoir de sous-officier, il trouve à servir son pays par ses talents de dessinateur. Il réalise ainsi des affiches appelant à souscrire aux emprunts nationaux, publie des dessins de guerre dans l’Illustration et aide à des travaux de relevés topographiques.
Le très évocateur “Fraternité” est paru en janvier 1917 dans l’Illustration auquel l’artiste collabore par intermittence. Il s’agit d’un de ses dessins les plus marquants pour cette revue.
On pourrait se questionner au sujet de cette œuvre : s’agit-il seulement d’une belle illustration d’un acte d’héroïsme sur lequel de très nombreux lecteurs de l’époque se sont émus (retrouvant là une des valeurs portée par la devise nationale) ? Sans doute. On peut aussi penser que ce dessin véhicule une forme de résistance à la guerre moderne : voilà la guerre telle que l’artiste souhaiterait la voir. Jean Droit est un combattant de première ligne, qui commande aux hommes sur le terrain (il termine la guerre comme lieutenant), qui a été blessé et confronté aux pires horreurs notamment à Verdun. Mais c’est aussi un homme attaché à des valeurs d’entraide, de civisme, de hauteur d’âme et de solidarité. La fraternité d’armes, qui trouve sa source dans la chevalerie – une union entre deux chevaliers se promettant aide mutuelle envers et contre tout – est un idéal de camaraderie. Jean Droit met en scène ici un homme en plein effort qui porte un blessé pour le sauver. Leurs uniformes sont souillés et déchirés. Celui qui est secouru est blessé au pied et semble épuisé : peut-être ne peut-il plus marcher. Droit représente intentionnellement deux soldats ayant une différence d’âge, ce qui lui permet de suggérer un rapport quasi paternel entre l’homme qui porte et le jeune blessé. La scène évoque avec puissance un acte noble – le secours porté à autrui –, que l’étendue vide du décor met en valeur, et transmet ainsi un message universel : celui d’une fraternité des hommes qui se doit de résister malgré la guerre.
- Rédigé par admin
- / modifié le 14/03/2020