Le bombardement

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LE DESSIN DE PRÈS

LE BOMBARDEMENT

ANDRE DUCUING, 1917

La scène composée par le peintre et décorateur André Ducuing présente trois soldats français cherchant à se protéger du fracas produit par la déflagration d’un obus. Comme les personnages sont à terre, ils occupent la moitié inférieure du dessin et sont placés devant ce qui semble être des faisceaux de fusils dressés là et servant à soutenir musettes et bidons. La tranchée est vue au niveau du sol pour embrasser les différents plans de la scène. Dans la partie supérieure, le haut de la tranchée est nettement délimité et laisse apercevoir piquets et fils de fer barbelés, caractéristiques du « no man’s land » séparant les camps ennemis. L’explosion apparaît en haut à droite sans autre élément. L’artiste a représenté des projections qui semblent être des éclats se dispersant  de façon régulière.

Le dessin est stylisé : personnages et décors sont simplifiés en adoptant une esthétique influencée par le cubisme. A la même époque, des artistes comme Charles Martin ou Eduardo Benito (fig. 3 & 4) utilisent un style très proche. Ducuing « enferme » sa scène dans un cadre dessiné et choisit deux couleurs complémentaires qu’il applique à l’aquarelle : le bleu pour les uniformes et l’explosion, là où l’action se manifeste, et le orange utilisé pour les éléments liés au décor (le sol, la terre, cette toile dressée…).

Si cette simplification dans le style et la composition sont les moyens qu’utilise l’artiste pour exprimer son art, cela ne l’éloigne pas d’une réalité propre à la guerre qu’il réussit à transmettre. Ainsi le cadre tracé pourrait amener le dessin vers l’imagerie et la mise à distance mais il n’en est rien :  l’idée de l’exposition de ces corps vulnérables au souffle et aux éclats des obus créé la dramatisation et suscite l’émotion. Aucune expression n’est montrée car, prostrés, les soldats ne laissent rien voir de leur visage. Leurs postures figées semblent bien éloignées de celles des poilus, si dynamiques, d’André Devambez, dans la gravure « un schrapnell » (fig. 1), qui met en scène des soldats entendant un obus se rapprocher et décrit, grâces aux expressions et aux mouvements, les instants d’angoisse et de peur collective avant l’explosion. Chez Ducuing, la simple juxtaposition des plans (soldat, tranchée, obus) suffit sans recherche d’effets. Contrairement à Devambez, la scène ne décrit pas la peur ou la panique suscitées par la surprise mais une explosion parmi d’autres, le terme « un bombardement » signifiant une série d’explosions.

Fig. 1 Un schrapnell, André Devambez

La scène n’a rien d’exceptionnelle pour les combattants de première ligne mais cela n’enlève rien à son caractère terrifiant. On observe que les deux premiers soldats ont la même position à terre : à quatre pattes sur les genoux bien que le premier individu lève les bras pour se protéger avec une pièce de son équipement (possiblement la boite de protection de son masque à gaz). Le troisième soldat, tout à droite, assis, leur fait face et, comme ses camarades, rentre la tête pour tenter de se protéger. La scène est tout à fait saisissante. Elle illustre l’impossibilité des soldats de la Grande Guerre d’échapper au déluge de fer que produisent les tirs d’artillerie, et à la terreur ressentie.

André Ducuing est né en 1891 à Paris. C’est donc un jeune homme (combattant) qui réalise ce dessin faisant partie d’une série datée de 1917 (on peut consulter quelques-unes de ces œuvres aux adresses indiquées plus bas). Ces dessins sont conservés par le musée de l’Armée qui détient également une version de ce « bombardement » réalisé donc (au moins) en double par l’artiste. Durant le conflit, Ducuing est affecté au 156è régiment de ligne qui participe à des batailles parmi les plus meurtrières de la guerre (l’Artois en 1915, Verdun et la Somme en 1916, le Chemin des Dames en 1917 etc.). De santé fragile, il fait de longs séjours en hôpitaux suite, sans doute, aux mauvaises conditions qu’il connaît lors de ces campagnes. Il est renvoyé dans ses foyers au début de 1918. Ducuing expose au Salon d’Automne, dans les années qui suivent, en pleine période « Arts déco », des panneaux réalisés à la laque pour des pièces de mobilier, décorés de motifs de paysages et d’animaux. Gagnant en notoriété, il participe à l’exposition universelle de 1937 à la suite de laquelle il est fait Chevalier de la Légion d’honneur.  Il expose au salon d’Automne jusqu’en 1942. Il est décédé à Versailles en 1958.

Fig. 2 Le bombardement, André Ducuing, version conservée au musée de l’Armée

Ce dessin est un original de notre collection et présente de légères différences avec la version conservée par le musée de l’Armée (fig. 2) : sur celle-ci les détails liés au « No man’s land » semblent seulement ébauchés, les soldats qui ont exactement les mêmes positions, ne laissent apparaître aucune partie de leur visage et il y a des variations sur la disposition des pièces d’équipement. L’existence de ce dessin (et peut-être des autres de la série) en plusieurs exemplaires, met en évidence, sans doute, que l’artiste a eu à répondre à une demande pour des scènes véhiculant une esthétique moderne et s’éloignant des motifs héroïques du début de la guerre, en montrant la présence du danger et de la mort.

LIENS

Une autre composition également intitulée « Bombardement » peut être visualisée en suivant ce lien  tandis qu’un dessin représentant des poilus autour d’une cuisine roulante se trouve sur le site Photo.rmn.

Fig. 3 Quand la nuit fît tout à fait venue..., Eduardo Benito, extrait de Reims
Fig. 4 La liaison, Charles Martin, extrait de Sous les pots de fleurs (flots de peur)
Fig. 5 Gionata di bombardemento, Pietro Morando,

| Dernière modification le 05/02/2025

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