Saint Quentin, Aisne, 1917
Comme on ignore encore, aux cuisines, le détail des pertes, les rations n’ont pas été diminuées, ou très peu, et les hommes touchent plus que double part de patates, de viandes, et surtout de café et de jus, dont l’abondance est d’une signification macabre. Le fidèle Rose, le modèle des ordonnances, arrive ceinturé de courroies de bidons, porteur d’une imposante pile de gamelles, tout ce que Charlot, le célèbre cuisinier des officiers, a préparé pour une popote maintenant inexistante, et moi aussi, qui n’ai pas fait un vrai repas depuis plus de quarante-huit heures, je dévore indistinctement viande froide et pommes de terre mal épluchées, alternant le café et le vin, sans y prendre garde.