Perthes-lès-Hurlus, Champagne, octobre 1915
J
‘atteignis la tranchée que tenait encore la veille la garde impériale; oui, c’était horrible. Disons d’abord que cela ne ressemblait nullement à une tranchée; des bombardements quotidiens en avaient fait une espèce de crevasse volcanique, une déchirure du sol très profonde en certains endroits, très large ou resserrée en d’autres points, il y avait enfin des espaces où il n’y avait plus trace de tranchée. A l’intersection du boyau, un malheureux gisait à terre décapité par un obus, comme guillotiné; à côté un autre était affreusement mutilé. Je fis quelques pas à ma gauche. Je vis, halluciné, un amoncellement de cadavres, presque tous allemands, qu’on avait commencé d’enterrer dans la tranchée même, très élargie en cet endroit. A l’entrée du boyau se trouvait, appuyé contre le talus, semblant dormir, un jeune allemand; il n’avait aucune trace de blessure mais la mort l’avait effleuré de son aile, respectant le sourire qui flottait encore sur cette figure juvénile.