La relève, 1916
Mon cœur se serrait quand je voyais aller au feu de Verdun nos jeunes gens de vingt ans, songeant qu’avec la légèreté de leur âge, ils passeraient trop vite de l’enthousiasme du premier engagement à la lassitude provoquée par les souffrances, peut être même au découragement devant l’énormité de la tâche à accomplir … Ils s’excitaient à paraître indifférents par des chants ou des galéjades et j’aimais le regard confiant qu’ils m’adressaient en guise de salut. Mais quel découragement quand ils revenaient, soit individuellement comme éclopés ou blessés, soit dans les rangs de leurs compagnies appauvries par les pertes ! Leur regard, insaisissable, semblait figé par une vision d’épouvante; leur démarche et leurs attitudes trahissaient l’accablement le plus complet; ils fléchissaient sous le poids de souvenirs horrifiants ….