Entre Maricourt et Suzanne, Somme, octobre 1916
La voiture, une sorte de tombereau qu’on nous a prêté pour effectuer la première moitié de notre voyage, dérape à plusieurs reprises. Le cheval s’abat trois fois. Pour le soulager, nous marchons à côté de la voiture en faisant rejaillir à chaque pas une gerbe de boue liquide ; on dirait un enterrement de pauvre. Nous réagissons pourtant contre ces lugubres présages. A Somme-Tourbe, la route devient meilleure et nous remontons dans la voiture. M…, qui sait l’anglais, fredonne « Tipperary », nous reprenons au refrain ; puis c’est le « Chant du Départ », et autres chansons de circonstance, chansons gaies, que nous chantons d’ailleurs l’un plus faux que l’autre, cependant que le jour descend sur nous, humide et glacé.