St Crépin aux Bois, Oise, 22 oct 1916
Les feuilles humoristiques perpétuent la légende du poilu rigolo et s’acharnent sur ces lâches boches qui ne s’interrompent de couper les mains des petites filles que pour lever les leurs en l’air. Quant aux grands journaux dits d’information (…) leurs colonnes sont bourrées d’enthousiastes récits de combats (…) et de ces ineptes bons mots de poilus composés à la grosse par des spécialistes (…) Mais ce qui déconcerte le plus les soldats, c’est de voir que l’élite des intellectuels n’a pas su s’élever au dessus du patriotisme de cinéma et fait chorus avec les vils bourreurs de crâne (…) A tous, la guerre qui, sans souffrance aucune, ne leur apporte la gloire et les profits, semble parfaitement admirable. Ils hurlent en chœur, perpétuellement, que « tout va bien » et chantent inlassablement les exploits de nos « héros », la joie de mourir, l’ivresse exquise du corps à corps et les innombrables bienfaits de la guerre régénératrice !